Bouquet de nerfs

Gerland, morne plaine. Difficile de définir ce que je ressens ce matin.

« S’il arrive qu’un anglais (italien, en l’occurrence), vienne me visiter, dans la métempsycose, je saurai le recevoir, je peux lui en faire goûter de la sérénité et même lui laisser un certain goût de fer, et ce bouquet de nerfs. »

Il est bon parfois d’écouter un peu de musique pour retrouver un brin de sourire quand ça va mal. Cette ligne de Noir Désir résume assez bien l’état d’esprit dans lequel les lyonnais auraient dû se trouver hier soir. Sérénité, goût de fer. Pourtant, le goût ce matin est amer et il ne nous reste que le bouquet de nerfs. De nerfs à vifs. Mordue, blessée, la bête lyonnaise est à terre. Et ses supporters avec.

Quelle déception. Pourtant, quand je me suis installé hier soir aux côtés de Sauzée et Balbir, je dois avouer que je n’y croyais pas. Je me suis imaginé tous les scénarios possibles. Une ouverture du score lyonnaise, puis un retour de Rome à 2 minutes de la fin, une raclée 4-0 avec un triplé de Totti, une séance de penalties où Abidal (syndrome de l’arrière gauche) tirait sur le poteau. A aucun moment, je ne me suis imaginé vous narrer ce matin la quatrième qualification lyonnaise consécutive en quarts de finale de la C1.

Je suis pourtant un supporter acharné de mon équipe, depuis tout petit et sans jamais changer d’équipe. Je suis lyonnais à 100%, de sang et de cœur. Mais hier, ce cœur lyonnais n’y était pas. Et je vais tenter de vous dire pourquoi…

Jouer dans une équipe comme l’OL doit être franchement difficile, pour une simple et bonne raison que l’OL doit encore faire ses preuves, tout en sachant que la seule preuve utile serait une Ligue des champions. Ce besoin de prouver, de s’établir dans la durée, pèse énormément sur les joueurs. Cette année est particulièrement éprouvante pour les lyonnais.
Un début de championnat en trombe, un survol du groupe de C1, une qualification en finale de la Coupe de la ligue. Pourtant à chaque match, les critiques fusent : équipe arrogante quand elle gagne, l’OL fait resplendir les visages du monde footballistique lorsqu’elle est accrochée. Accusée de ternir le championnat, l’OL est ensuite montrée du doigt à cause des erreurs d’arbitrage. Quand elle est victorieuse dans les dernières secondes, on organise un classement du championnat en 90 minutes. Je vous épargne les habituelles critiques contre son président, qui, il est vrai ne fait rien pour arranger le climat. Mais là où des équipes comme Lens ou Marseille auraient obtenu un jour de repos, l’OL doit affronter un préfet de la Loire, plus supporter que policier. Je lisais même un post récemment qui disait que l’OL était également détestée sur le continent, pour la simple et bonne raison que l’OL est une équipe troublante, qui sème le doute. Sans briller au firmament, cette équipe hybride se permet pourtant de donner des leçons de foot aux ténors européens. L’OL est un monstre dangereux bourré de faiblesses.

C’est justement là où je veux en venir : hier, l’OL a offert un énorme bouquet de nerfs aux italiens. Après un week-end éprouvant, où la performance sportive est passée au second plan à cause de singes hurleurs, après un mois de janvier difficile, des défaites à la pelle, des problèmes internes, une élimination douloureuse face à Marseille, l’OL a craqué. Nerveusement. Face à une équipe habituée à jouer en contre, l’OL a péché en défense. Réveillère humilié sur les deux buts, Cris mal placé, Abi lamentable dans la relance, l’OL a offert sa peau à la Roma qui n’en demandait pas tant.

Ce qu’il manque à l’OL pour remporter la ligue des champions ? De la sérénité, du soutien, de la confiance. Un environnement uniquement concentré sur le sportif. Mettez-vous à la place de Squillaci qui entend dans les vestiaires qu’une défaite pourrait ruiner les petits porteurs d’actions OL ? Du délire. Autrefois, et surtout sous Le Guen, les joueurs étaient bien mieux protégés des agressions extérieures. Or, aujourd’hui, c’est le sportif qui est atteint. Ca se voit sur le terrain. Les fautes de Fred, hier, sont inacceptables. L’énervement et les larmes de Juninho n’ont rien à voir avec celles de Milan l’an dernier. Attention, je n’essaye pas de faire la pleureuse et de dire que Lyon perd parce que tout le monde est méchant avec elle. Je reproche au staff et aux dirigeants lyonnais, Aulas en premier, de ne plus protéger les joueurs des polémiques et des agressions extérieures. Et de semer le doute, puis l’énervement.

Voilà, en gros, c’est pour cela que je suis déçu, ce matin. Si l’OL avait joué ce match dans l’état d’esprit du mois d’octobre, les romains auraient mangé des baffes à la Obelix. C’est pour ça que je suis en colère, avec dans la bouche, un certain goût de fer. Et sur ma table, un gros bouquet de nerfs. Qui va être très long à faner.

Si Lyon remporte un sixième titre consécutif (du jamais vu en Europe), certains diront que c’est une année gâchée.

Je ne vous dis pas le bouquet qui se prépare pour la finale du Stade de France…